
Mime Contemporain
Pourquoi ce titre ? Mater Replik joue sur l’homophonie entre le mot latin « mater » qui désigne la mère et « ma terre », la terre maternelle. « Replik » c’est dans une autre langue la réplique, dans le spectacle sans parole, le dialogue répété et obsédant entre le corps et le son. C’est aussi les répliques du séisme : secousse présente de souvenir lointain. Mater en langue morte et Replik dans une langue inconnue.
Mater Replik est un spectacle de mime contemporain sur l’exil, une tentative pour saisir l’expérience intérieure du déracinement. C’est une histoire parmi de nombreuses autres, celle d’un personnage, bougé de terre. Cette première secousse est suivie de répliques visibles sur son corps : le passé qui revient, la terre maternelle qui se manifeste, la langue maternelle par où tout cela lui parle et finalement la langue de la terre.
Son pays intérieur est dessiné par des temps ritualisés ; du travail, du levé et du couché, des chants, des repas etc….Ces rituels éclatent au grand jour quand ils sont déplacés dans un nouveau pays et se heurtent aux rituels locaux.
Dans l’atmosphère d’une cérémonie imaginaire, le personnage se transforme corporellement en luttant avec ces émotions matérialisées et plonge dans un état entre rêve et réalité qui va le confronter à ses souvenirs, à ses espoirs en se heurtant au monde. Une chaise pour l’origine, une table pour la destination et entre les deux une marche forcée.
Mater Replik est né de la collaboration de Vahram Zaryan et Florent Bracon, de l’envie de partir de l’expérience de l’exil du metteur en scène pour comprendre ce « geste » du départ. En partir, l’utiliser comme premier témoignage, auxquels d’autres sont venus s’ajouter, mais sans le quitter complètement. S’appuyer sur cette identité pour comprendre plus généralement les exilés. Aller au fond de cet état et mener comme une enquête phénoménologique pour explorer sur scène à travers un exil, des exils et peut-être l’exil lui-même.





C’est avant tout de la propre expérience de Vahram Zaryan que vont naître les premières pistes de création : de sa vie et de son exil. Ce sont aussi les témoignages recueillis qui nourrissent la création : « on » est exilé intérieurement, par rapport à son passé, dans sa propre ville, dans sa maison, dans son langage, de la norme, dans son travail etc. L’exil s’enracine dans le sentiment de n’être pas dans un monde qui est le sien. Et c’est une force vécue comme « extérieure » qui rend ce monde perdu ou impossible, plongeant l’exilé entre nostalgie et désespoir.
Une chose leur semble importante : représenter un état intérieur et réel, même pour les hommes qui ne semblent pas en situation d’exil. Au fur et à mesure de leur recherche, se dessine un état tendu entre l’enracinement et le déracinement. L’exilé change de pays et c’est sa géographie intérieure qui est bouleversée : elle se révèle comme mouvante, trans- frontalière et poreuse aux géographies intérieures des autres. Toutes ces choses, qui ce sont manifestées corporellement par des tremblements, ont rapidement été associées par Vahram Zaryan à sa propre expérience du tremblement de terre en Arménie.
Aussi ils décident d’opérer un glissement constant entre le fait d’être bougé de terre et l’événement de la terre qui bouge. A cela s’est associé ce par quoi tout se formule ou est laissé dans le silence, la langue maternelle, commune à tous mais séparant les peuples ; cette langue qui est devenue pour eux celle de la terre, maternelle elle aussi, qui se referme et rattrape celui qui, par elle, tente de se libérer.
Dans Mater Replik, poussant ce principe de création jusqu’au bout, c’est à partir de l’image de Vahram Zaryan que toutes les vidéos sont crées, à partir d’enregistrement de sa voix pour les sons…de telle façon que Vahram Zaryan soit oublié, et que son corps soit d’autres corps possibles, son histoire d’autres histoires, sa voix, d’autres voix ….
« L’exil ne me semble pas être seulement l’état des immigrés ou des réfugiés. Si, comme je le crois, le corps de l’exil est en déséquilibre, alors tous les corps nous montrent que nous sommes exilés. » Vahram Zaryan
Mise en scène et interprétation, Vahram Zaryan
Dramaturgie, Florent Bracon
Collaboration artistique, Karen Hakobian
Vidéos, Auguste Diaz
Régie et Création lumières, Loïc Samson
Régie son, Jordan Allard



