
Performance | Art vidéo | Conception Vahram Zaryan

« Patrel » est le verbe qui signifie « déchirer » en arménien et dont la sonorité évoque comme une onomatopée le son de la déchirure.
Dans cette création, la vidéo est conçue comme une matière picturale qui rend visible une force invisible. La matière filmique (l’image – temps), est convertie en espace et figée par l’axe fixe de la caméra qui filme un enfant dans un cadre définit, comme l’élément purement figuratif d’un tableau. La création s’appuie dans un premier temps sur la séparation pratique des arts en deux grands axes : les uns ayant à faire à l’espace et les autres ayant à faire au temps.
Le collectif Vahram Zaryan se saisit de ce média artistique (la vidéo) dont l’outil est un mouvement dans le temps. Elle le fige immédiatement comme un cliché, pour le déconstruire. C’est l’élément figuratif lui-même qui fige l’art (en l’occurrence de la vidéo) et sert à rendre visible une force invisible : celle du déchirement intérieur.
La vidéo reprend concrètement cette force en scénarisant le déchirement, puis elle réintroduit le mouvement de la vidéo dans l’objet figuré et dans son action concrète, ludique et répétitive : un enfant qui déchire un livre. Le livre étant à son tour considéré comme ayant à faire, en tant qu’art, au temps plutôt qu’à l’espace.
Le film est une répétition sans fin de déchirement, de mise en miette du temps, tout en étant produit par une action figée dans un cadre immuable et figuratif, niant le média qui lui sert de support.
L’aspect narratif, vidé de toute évolution dramaturgique, est réduit à la répétition d’un mouvement (déchirer le livre), qui représente l’action de « tourner » avec une caméra.
Ce « tournage » s’engouffre dans lui-même, dans la figure répétitive de l’enfant joyeux de déchirer perpétuellement un livre. Il semble se moquer innocemment du tournage, du livre, de l’espace, du temps, du réalisateur et du spectateur. Mais cette légèreté apparente masque le propos grave, dissimulé derrière le prétexte figuratif.
L’enfance essaye de se maintenir dans la répétition : elle est pour autant l’objet dont le sujet s’éloigne et donc s’exile.
Elle est de même la cause de l’exil, et sa persistance répétitive est la source de la nostalgie comme de l’identité.